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Noms de lieudits à Rennes

Bèrtran Ôbrée - Publié le 15 septembre 2017

En 2008-2009, Chubri a réalisé des enquêtes onomastiques à Rennes dans le cadre du programme « Dé jen e d-z endret ». Les noms en gallo des lieudits ont été intégrés au dictionnaire ChubEndret le 15 septembre 2017. Une occasion de revenir sur les enquêtes réalisées et ce qu’elles nous apprennent sur le gallo parlé dans l’ancienne campagne de Rennes.

 

Recenser les toponymes en gallo

L’inventaire des noms de lieu ou de personne en gallo de la commune de Rennes est une initiative de Chubri dans le cadre de son programme dénommé Dé jen e d-z endret (des gens et des lieux). Ce programme part du constat de l’urgence d’un inventaire onomastique auprès des plus anciens afin de collecter la version gallèse des noms de lieu (communes, lieudits, champs, ponts...) et de personnes (prénoms et noms de familles).

Cette urgence est à relier à différents constats :

  • Le recul actuel de la pratique du gallo (qui s’explique principalement par la politique « d’éradication des patois » menée par l’État depuis la période révolutionnaire) rend nécessaire de recenser la langue auprès des locuteurs âgés pour pouvoir la transmettre aux nouvelles générations et aux arrivants.
  • La mobilité croissante des populations rend plus difficile la transmission orale des noms de lieu (dans un contexte de faible pratique du gallo dans l’espace public).
  • L’usage de l’écrit dans la vie quotidienne (signalétique routière, cartes routières, plans de villes, documents officiels d’identité, formulaires administratifs…) s’est développé dans la seconde moitié du vingtième siècle. Cette évolution s’est effectués exclusivement en français ; le gallo s’en est trouvé exclu.
  • Un ensemble de changements dans les modes de transmission des savoirs et des pratiques linguistiques (par exemple l’allongement de la scolarité) ont fragilisé le gallo comme la plupart des langues régionales en matière de transmission des noms propres.

La démarche choisie par Chubri à travers le programme Dé jen e d-z endret est d’effectuer un inventaire onomastique puis de restituer les informations collectées par différentes voies (publications papiers ou numériques, bases de données consultables…). Il s’agit ainsi de revaloriser le patrimoine linguistique gallo auprès de la population, des collectivités territoriales et, plus largement, de l’ensemble des acteurs concernés par la transmission et la pratique de la langue.  Cette démarche de restitution pourra faciliter des initiatives de réappropriation de la langue telle que la mise en place de signalétiques bilingues par les collectivités territoriales ou l’attribution de prénoms en gallo par les parents à leurs enfants.

La méthode d’enquête

Afin de disposer de données relativement fiables, il a été convenu d’enquêter au moins auprès de trois informateurs distincts ou de deux couples ayant longuement vécu dans la commune et dont le gallo est la langue dans laquelle ils ont été élevés et dont ils ont conservé une pratique relativement courante.

L’enquêteur dispose d’une ou plusieurs cartes IGN (éventuellement complétées de cartes éditées à l’échelle communale) et interroge l’informateur en suivant mentalement un itinéraire routier : si on prend telle direction, comment s’appelle le premier hameau à droite en « patois » (en « gallo ») ? Les gens qui ont habité là, comment s’appellent-ils en « patois » (en « gallo ») ? Comment disait-on autrefois ? L’entretien se déroule de préférence principalement en gallo, l’enquêteur s’adaptant autant que possible à la langue de l’informateur.

Chaque entretien est enregistré. Les informations sont ensuite transcrites dans une base de données. Lorsque l’on dispose d’assez d’informateurs, les données sont comparées pour une même commune. Elles sont analysées afin de faire la part des choses : formes induites par la question, formes francisées, erreurs sur le lieu en question… La (les) forme(s) en gallo sont ainsi repérées en vue de la restitution. Pour certains noms, plusieurs formes en gallo semblent clairement attestées. Dans ce cas, nous avons signalé les différentes versions.

La transcription

Les noms propres sont transcrits dans le respect de règles préconisées par le Groupe d’experts des Nations unies pour les noms géographiques. Les formes en gallo transmises par les informateurs sont d’abord transcrites en alphabet phonétique international. L’écoute des entretiens et la lecture des données onomastiques transcrites permettent d’analyser la prononciation dialectale et notamment de répertorier les phonèmes (les sons pertinents) en usage dans le territoire d’enquête (une seule commune en général). Les noms propres sont alors transcrits en suivant les règles du Moga qui est un « système de notation phonémique ». En effet, ce système orthographique élaboré par Chubri permet de restituer la prononciation dialectale, y compris des phonèmes spécifiques à certaines aires géographiques du Pays Gallo.

L’enquête de 2008-2009 à Rennes

L’enquête onomastique à Rennes s’est déroulée d’octobre 2008 à mars 2009. Elle a été menée dans le cadre d’un financement spécifique attribué par la Ville de Rennes, conformément au souhait de Chubri d’associer financièrement les collectivités locales à l’inventaire linguistique. Cette implication des collectivités locales est en effet la seule garantie de pouvoir mener à bien le développement de telles actions d’inventaire.

Pour cette commune, l’enquête a porté principalement sur les noms des lieudits actuels ou anciens de la commune, connus directement ou indirectement des informateurs. La recherche d’informateurs a été orientée vers des personnes âgées ayant vécu dans la campagne de Rennes ou dans des communes voisines. Une rencontre en septembre 2008 avec Jean-Luc Maillard à l’Écomusée du pays de Rennes a permis d’identifier des informateurs potentiels.

Comparativement à d’autres enquêtes réalisées sur des communes, il faut signaler une nette difficulté à obtenir des rendez-vous d’enquête. L’un des facteurs semble assez clairement lié à une forte dévalorisation du gallo vis-à-vis du français dans un contexte de proximité avec la ville où le gallo n’a pas sa place. Ce constat renforce notre conviction de la nécessité d’une action de valorisation du gallo dans une ville comme Rennes dans la perspective de redonner de vrais espaces d’expression à la langue locale.

Par ailleurs la grande taille du territoire communal nous a amené à rechercher davantage d’informateurs que sur les communes traitées précédemment. Malgré cette précaution, certains secteurs mériteraient encore des enquêtes complémentaires auprès de locuteurs y ayant vécu.

Les entretiens ont été conduits par Mathieu Guitton (chargé de collecte à Chubri au moment des enquêtes). Ils ont été réalisés auprès des personnes suivantes : Louis Aubrée, Pierre Colleu, Louise & Pierre Gardan, Germaine & Louis Lardoux, Paul Le Bohec, Rosalie & Francis Mainguené, Marie & Gervais Souffleux, Marie Thébault, Armel Vallée. Merci à elles pour leur patience et leur accueil. Les transcriptions initiales des entretiens ont été effectuées par Mathieu Guitton. L’analyse des données et la synthèse pour mise en ligne ont été réalisées par Bèrtran Ôbrée.

Nous ne restituons dans ChubEndret que les données qui nous semblent fiables. Nous avons donc écarté certains noms dans l’attente de recherches complémentaires. Chacun est vivement invité à transmettre à Chubri toute information susceptible de compléter ou corriger nos données. Merci d’avance.

Spécificités du parler de Rennes

La commune de Rennes est plus anciennement marquée par la francisation que d’autres territoires du fait du développement urbain renforcé au 19ème siècle. Ceci se traduit par une réelle difficulté à y repérer certains phonèmes comme la voyelle centrale [ə] ou la diphtongue « ao » [aw], des prononciations manifestement stigmatisées par l’école. C’est souvent parce que la question a été posée par l’enquêteur que les informateurs ont confirmé que c’est effectivement « comme ça qu’on dit (disait) en patois ». Ainsi on peut attester les lieudits La Saodrâ ou Lé-z Ormiao. Mais on peut se demander si de plus amples recherches ne nous amèneraient pas à attester aussi des formes comme Lé Fourniao (au lieu de Lé Fournô) ou La Touraodâ (au lieu de La Tourôdâ) qui seraient plus cohérentes avec le parler local.

La consonne laryngale [h] n’est pas attestée à Rennes, contrairement à certaines autres régions de Haute-Bretagne où elle subsiste. Cependant cette consonne a laissé des traces (absence de liaison, article…). Par exemple on dit : Lé ·Ôtt z’Ourm [leotzuʁm] (lé-ôt-zourm) et non Lé-z Ôtt z’Ourm. Notons qu’à Rennes la consonne r est « guttural » (fricatif uvulaire voisée) comme en français standard et non « battu » (r dans l’espagnol caro) comme dans le nord et le nord-ouest de la Haute-Bretagne.

Contrairement à de nombreux secteurs de Haute-Bretagne, et conformément au parler des communes environnantes, la commune de Rennes ne connait pas de voyelles longues à diphtongaison telles que « aun » ou « ée ». Par ailleurs la voyelle « eu » [œ] est absente du parler local.

 

Consulter le dictionnaire en ligne de noms de lieux ChubEndret

PDF « Noms de lieudits et de personnes de Rennes » (2009)

 


Direction des recherches

Bèrtran Ôbrée

Entretiens d’enquête et transcription des données

Mathieu Guitton

Financement spécifique

Ville de Rennes

Remerciements

Écomusée du pays de Rennes.

Louis Aubrée, Régis Auffray, Pierre Colleu, Louise & Pierre Gardan, Germaine & Louis Lardoux, Paul Le Bohec, Jean-Luc Maillard, Rosalie & Francis Mainguené, Marie & Gervais Souffleux, Marie Thébault, Armel Vallée.

 

Lé Châlè a Rënn © B. Ôbrée / Chubri