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Noms de lieudits et de personnes à Saint-Martin-sur-Oust

Bèrtran Ôbrée - Publié le 14 décembre 2017

En 2008, Chubri a réalisé des enquêtes onomastiques à Saint-Martin-sur-Oust dans le cadre du programme linguistique « Dé jen e d-z endret ». Les noms en gallo des lieudits ont été intégrés au dictionnaire ChubEndret le 12 octobre 2017. Une occasion de revenir sur les enquêtes réalisées et ce qu’elles nous apprennent sur le gallo parlé à Saint-Martin.

 

Recenser les toponymes et noms de personnes en gallo

L’inventaire des noms de lieu ou de personne en gallo de la commune de Rennes est une initiative de Chubri dans le cadre de son programme dénommé Dé jen e d-z endret (des gens et des lieux). Ce programme part du constat de l’urgence d’un inventaire onomastique auprès des plus anciens afin de collecter la version gallèse des noms de lieu (communes, lieudits, champs, ponts...) et de personnes (prénoms et noms de familles).

Cette urgence est à relier à différents constats :

  • Le recul actuel de la pratique du gallo (qui s’explique principalement par la politique « d’éradication des patois » menée par l’État depuis la période révolutionnaire) rend nécessaire de recenser la langue auprès des locuteurs âgés pour pouvoir la transmettre aux nouvelles générations et aux arrivants.
  • La mobilité croissante des populations rend plus difficile la transmission orale des noms de lieu (dans un contexte de faible pratique du gallo dans l’espace public).
  • L’usage de l’écrit dans la vie quotidienne (signalétique routière, cartes routières, plans de villes, documents officiels d’identité, formulaires administratifs…) s’est développé dans la seconde moitié du vingtième siècle. Cette évolution s’est effectuée exclusivement en français ; le gallo s’en est trouvé exclu.
  • Un ensemble de changements dans les modes de transmission des savoirs et des pratiques linguistiques (par exemple l’allongement de la scolarité) ont fragilisé le gallo comme la plupart des langues régionales en matière de transmission des noms propres.

La démarche choisie par Chubri à travers le programme Dé jen e d-z endret est d’effectuer un inventaire onomastique puis de restituer les informations collectées par différentes voies (publications papiers ou numériques, bases de données consultables…). Il s’agit ainsi de revaloriser le patrimoine linguistique gallo auprès de la population, des collectivités territoriales et, plus largement, de l’ensemble des acteurs concernés par la transmission et la pratique de la langue.  Cette démarche de restitution pourra faciliter des initiatives de réappropriation de la langue telle que la mise en place de signalétiques bilingues par les collectivités territoriales ou l’attribution de prénoms en gallo par les parents à leurs enfants.

La méthode d’enquête

Afin de disposer de données relativement fiables, il a été convenu d’enquêter au moins auprès de trois informateurs distincts ou de deux couples ayant longuement vécu dans la commune et dont le gallo est la langue dans laquelle ils ont été élevés et dont ils ont conservé une pratique relativement courante.

L’enquêteur dispose d’une ou plusieurs cartes IGN (éventuellement complétées de cartes éditées à l’échelle communale) et interroge l’informateur en suivant mentalement un itinéraire routier : si on prend telle direction, comment s’appelle le premier hameau à droite en « patois » (en « gallo ») ? Les gens qui ont habité là, comment s’appellent-ils en « patois » (en « gallo ») ? Comment disait-on autrefois ? L’entretien se déroule de préférence principalement en gallo, l’enquêteur s’adaptant autant que possible à la langue de l’informateur.

Chaque entretien est enregistré. Les informations sont ensuite transcrites dans une base de données. Lorsque l’on dispose d’assez d’informateurs, les données sont comparées pour une même commune. Elles sont analysées afin de faire la part des choses : formes induites par la question, formes francisées, erreurs sur le lieu en question… La (les) forme(s) en gallo sont ainsi repérées en vue de la restitution. Pour certains noms, plusieurs formes en gallo semblent clairement attestées. Dans ce cas, nous avons signalé les différentes versions.

La transcription

Les noms propres sont transcrits dans le respect de règles préconisées par le Groupe d’experts des Nations unies pour les noms géographiques. Les formes en gallo transmises par les informateurs sont d’abord transcrites en alphabet phonétique international. L’écoute des entretiens et la lecture des données onomastiques transcrites permettent d’analyser la prononciation dialectale et notamment de répertorier les phonèmes (les sons pertinents) en usage dans le territoire d’enquête (une seule commune en général). Les noms propres sont alors transcrits en suivant les règles du Moga qui est un « système de notation phonémique ». En effet, ce système orthographique élaboré par Chubri permet de restituer la prononciation dialectale, y compris des phonèmes spécifiques à certaines aires géographiques du Pays Gallo.

L’enquête de 2008 à Saint-Martin-sur-Oust

L’enquête onomastique à Saint-Martin-sur-Oust s’est déroulée en février et juin 2008. Pour cette commune, l’enquête a porté principalement sur les noms des lieudits connus directement ou indirectement des informateurs. Elle a permis aussi de collecter des noms de famille et des prénoms.

Les entretiens ont été conduits par Mathieu Guitton (ou « Matlao Ghiton ») qui était chargé de collecte à Chubri au moment des enquêtes, en collaboration avec Mathieu Rollo (ou « Matao Rollo »). Ils ont été réalisés auprès des personnes suivantes : François et Jeanne Rollo (frère et sœur) ; Albert Diguet et son épouse Jeannine née Mabon ; Joseph Diguet et son épouse Anne-Marie née Morice. Merci à elles pour leur patience et leur accueil. Les transcriptions initiales des entretiens ont été effectuées par Mathieu Guitton. L’analyse des données et la synthèse pour mise en ligne ont été réalisées par Bèrtran Ôbrée.

Nous ne restituons dans ChubEndret que les données qui nous semblent fiables. Nous avons donc écarté certains noms dans l’attente de recherches complémentaires. Chacun est vivement invité à transmettre à Chubri toute information susceptible de compléter ou corriger nos données. Merci d’avance.

Spécificités du parler de Saint-Martin

À Saint-Martin, la consonne « r » est grasseyée (consonne fricative uvulaire voisée notée [ʁ] en alphabet phonétique international) et non apicale comme à Médréac (35) par exemple (consonne battue alvéolaire voisée notée [ɾ] en alphabet phonétique international).

La voyelle « eu » [œ] est clairement attestée à Sint Martin, par exemple dans le lieudit L’Ôtë Neu (L’Hôtel Neuf). Elle se distingue à la fois de « ë » [ə] dans P·rnowë (Prénoué) et de « eû » [ø] dans La Creûz Pighè (La Croix Piguel).

Notons aussi que Saint-Martin ne semble présenter aucune voyelle longue comme dans d’autres secteurs de l’aire gallèse. Des voyelles telles que « aun » (pouvant diphtonguer en « an-w ») ou « ée » (pouvant diphtonguer en « é-y ») ne sont pas apparues dans les collectes effectuées.

L’habitat de Saint-Martin présente une particularité qui se traduit dans la façon de nommer les lieudits. En effet dans les grands hameaux, ou au sein de véritables « quartiers ruraux » regroupant des hameaux proches les uns des autres, il est d’usage courant de nommer l’ensemble par un terme générique et de façon détaillée chaque partie de cet ensemble (une enfilade de maisons par exemple). Comme le dit l’un des informateurs : lé vilaj, i s sounomè (littéralement : on « sous-nommait » les hameaux). Pour une partie de hameau, il est fréquent d’employer le terme Lé Ru (une ru signifiant une cour devant la maison) suivi d’un nom de famille, par référence à une famille ayant habité durablement et en nombre ce secteur : Lé Ru Blandin, Lé Ru Dabo, Lé Ru Nobièt… Remarquons que le cadastre et les cartes IGN sont peu bavardes sur ces noms de ru, en particulier pour le hameau du Va (Le Val). Même notre inventaire est probablement incomplet et mériterait des recherches complémentaires.

Autre particularité de la commune… Le secteur occidental du territoire communal jouxte le bourg de Saint-Congard. La population y est davantage attirée par ce bourg que celui de Saint-Martin. Ce secteur est dénommé Le Pé Haot (le pays haut), sans doute par référence à la topographie du secteur. De même, les gens du Pé Haot parlent du Pé Bâs pour la partie de la commune à l’est de chez eux. Cette distinction territoriale semble bien avoir une traduction dialectale. Ainsi des noms du Pé Bâs en « é » ont un équivalent en « ë » dans le Pé Haot. Par exemple, le nom de famille Roulhé se dit Roulhë dans le Pé Haot.

 

Consulter le dictionnaire en ligne de noms de lieux ChubEndret

PDF « Noms de lieudits et de personnes à Saint-Martin (56) » (2008)

 


Direction des recherches

Bèrtran Ôbrée

Entretiens d’enquête et transcription des données

Mathieu Guitton

Financement spécifique

Conseil départemental du Morbihan

Remerciements

Mathieu Rollo, Romain Ricaud.

François Rollo, Jeanne Rollo, Jeanine et Albert Diguet, Anne-Marie et Joseph Diguet.